Mes 50 années de service à Lourdes. Récit de Sr. Thérèse, Petite Sœur de l’Assomption

Ma première expérience de Lourdes en tant qu’accompagnante et infirmière date de 1965 : j’étais alors professe au noviciat, c’était un service imposé, et moi, j’aurais tout donné pour ne pas y aller !

J’appréhendais ce qui me semblait être une très lourde charge quand je voyais les sœurs expérimentées en revenir et en parler.  Je suis quand même partie… et j’y suis retournée volontiers tous les ans pendant 52 ans !

À cette époque, nous étions encore en costume : robe noire et cornette…. au 15 août nous avions chaud ! Avant le départ en train, pendant l’après-midi, on installait les voitures des malades. Il nous fallait beaucoup de matériel et deux camions partaient de la Maison Mère pleins de matelas, couvertures, oreillers, bassines… 

Je me souviens du début de la sonorisation dans les trains. Il y avait une cabine de sono, et c’était souvent un Assomptionniste qui s’occupait de l’animation : prières, chants, témoignages de temps en temps.

Sur place, à Lourdes, je travaillais à l’accueil Notre-Dame. J’étais infirmière en salle. Au bout de quelques années, j’ai pris la responsabilité infirmière de tout l’Accueil Notre-Dame. Je m’occupais du matériel à Notre-Dame et à Sr Frai, j’allais de l’un à l’autre. À l’origine, St Frai était réservé aux femmes, soignées par les hospitalières femmes. Les Petites Sœurs de l’Assomption s’occupaient des hommes à Notre-Dame. J’ai beaucoup lutté pour que ce soit mélangé. Il faut aussi savoir qu’en ces années-là, il n’y avait pas encore d’organisation de soins médicaux – l’eau de Lourdes étant le seul traitement ! Progressivement, une petite équipe d’infirmières et de médecins ont constitué un « dossier du malade » pour chacun, dès leur inscription, avec un suivi durant le pèlerinage. Puis s’est créé un service de pharmacie avec des pharmaciennes diplômées d’État. 

J’ai connu quelques décès au cours de ces années ; je me souviens d’un diabétique, mort à Lourdes le lendemain de son arrivée. Il y a eu aussi ce père de 8 enfants, très souffrant, venu avec sa femme. Il voulait aller à la piscine, mais elle était fermée. Ils l’ont rouverte pour lui et les pisciniers l’ont baigné. Toute la salle l’a accompagné. Sa femme était rayonnante. Il voulait mourir le jour de la fête de la Ste Vierge : il est mort le 15 août. 

Il y a eu aussi beaucoup de guérisons, par exemple ce monsieur qui avait un cancer de l’estomac inopérable, et qui a été guéri à Lourdes. Les accompagnants aussi retrouvent la grâce d’aller mieux, comme cette maman d’un jeune avec un handicap très profond, qui a puisé à Lourdes la force dont elle avait besoin. Même quand il n’y a pas de miracle reconnu, il y a la grâce de retrouver le bonheur de vivre, l’énergie, la sérénité, d’accepter sa maladie. Quelque chose se passe dans les cœurs. Tout au long de ces années, je n’allais pas à Lourdes par dévotion à la Ste Vierge mais pour le service. Ce n’est pas la piété qui m’animait, mais le devoir de service… ceci dit j’ai sûrement profité des grâces de Lourdes !

Les gens étaient mélangés entre eux. Entre hospitaliers bénévoles, des liens assez forts se créaient ; au comité de Paris, on se rencontrait 3 à 4 fois par an. Notre amitié continuait entre deux pèlerinages. J’ai beaucoup aimé ce visage de l’Église.

Globalement, j’ai apprécié les transformations qui se sont faites : les robinets d’eau qui faisaient beaucoup de bruit et de passages ont été transportés plus loin, pour recréer un grand espace de silence en face de la grotte. Récemment, les bains en piscine ont été remplacés par des ablutions… ça me paraît plus proche du sens que la Sainte Vierge avait donné en disant : « allez-vous laver » et non « allez-vous baigner » ! 

Le pèlerinage d’aujourd’hui n’a plus rien à voir au point de vue des conditions matérielles avec ceux d’il y a 50 ans. Il a évolué avec l’évolution du soin et de l’hôpital en général. Ça se perfectionne beaucoup, mais l’esprit reste le même : l’hospitalité et le service des malades. 

Si je suis prête à repartir l’année prochaine ? Pour le 150e, pourquoi pas, j’accepterais peut-être de me laisser tenter !

Extraits du récit de Sœur Thérèse Duchène, Petite Sœur de l’Assomption
Propos recueillis par Béatrice Baucher

(Texte à paraître prochainement dans la revue Assomption & ses Œuvres,
trimestriel de la province d’Europe)