Parcours de l’Avent #11

« Le Père d’Alzon est devenu pour moi un compagnon de route ». Témoignage d’Anne-Sophie, laïque de l’Assomption, rattachée à la communauté de Lille. Elle est engagée dans le social, notamment auprès des roms dans la région lilloise.

Par son incarnation, Dieu s’engage résolument dans notre monde et nous invite nous aussi à nous engager au service de l’avènement du Règne de Dieu. A travers ce parcours de l’Avent, nous allons rendre grâce à Dieu pour nos différents engagements. Ce sera aussi le temps de les évaluer pour nous engager davantage ou pour choisir de nouveaux engagements.

Photo prise lors d’un camp d’été qui a eu lieu en juillet dernier avec des enfants roms en métropole lilloise (qui avait une dimension interconfessionnelle et qui regroupait des laïcs et des religieux assomptionnistes et salésiens)

« J’ai connu la famille de l’Assomption il y a une quinzaine d’années par Arthur Hervet, religieux assomptionniste qui avait vécu dix-sept ans sur le Bateau Je Sers à Conflans Ste-Honorine avant d’arriver dans le Nord. Il avait fait un appel dans les médias pour soutenir le peuple rom qui m’avait beaucoup touchée. Suite à cela j’avais débuté une bibliothèque de rue avec des enfants roms sur un camp en bordure d’une autoroute, à côté de Seclin. Et je me suis engagée dans l’Alliance Assomptionniste le mois dernier, dans la chapelle où repose le père d’Alzon à Nîmes. Durant ces quinze années, rien dans mon chemin de foi, qui a aussi été un chemin d’Église, n’a jamais été très évident. Mais depuis mon engagement il y a quelques semaines, le Seigneur m’a fait don d’une joie douce qui s’approfondit avec le temps.

Si j’ai aimé intensément Jésus au cours de mon enfance, j’ai pourtant, jeune adulte, « perdu la foi » et traversé l’athéisme dans toute sa largeur et sa profondeur pendant plusieurs années. J’ai fait des études de philosophie épouvantablement tristes. Un jour, dans une église qu’on me faisait visiter pour son intérêt historique, mon cœur s’est remis à battre devant un Christ en croix, et je me suis demandé comment je pouvais encore aimer Jésus alors que je ne croyais plus à son existence depuis si longtemps. Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas… J’ai abandonné la philo et sans doute, avec elle, tout son cortège de certitudes intellectuelles qui sont parfois  une entrave pour vivre et pour aimer.

Je suis en situation de handicap depuis la jeunesse, et même si mon handicap est invisible, il impacte ma vie du lever au coucher du soleil. Il se caractérise par une fatigue intense qui m’a, sans doute, donné le sens de la lutte. Et le profond désir d’aller à l’essentiel. Quand on est sans cesse fatigué, on ne peut pas faire de fioritures. Je me suis écroulée bien des fois, et si l’écroulement n’a pas été total, je le dois au Christ bien plus qu’à ma pauvre foi.

Dans le dialogue avec le monde, qui est un des charismes de l’Assomption, cette foi pauvre et cette santé fragile sont peut-être, au final, un atout. Sur les camps roms, où je continue d’aller aujourd’hui faire des activités hebdomadaires avec les enfants, nous n’arrivons pas avec les mains vides puisque nos sacs sont remplis de jeux et de livres, mais mon cœur est assoiffé de trouver et retrouver chaque semaine cette joie de vivre à nulle autre pareille dont témoigne ce peuple. Arthur a dû recevoir dans ces lieux bien plus qu’il a donné, j’en suis certaine.

Quand je retourne vers ceux de mon milieu d’origine, ou ceux que j’ai croisés à la faculté, je sens, de la même façon, que ma pauvreté spirituelle est un atout. Je n’ai aucun argument à donner en faveur de l’existence de Dieu, et moi-même j’ai beaucoup douté dans ma vie. Je peux seulement témoigner de son Amour pour moi, de mon cœur qui bat au nom de « Jésus », de ce qu’Il fait dans ma vie et dans la vie des autres quand j’en suis témoin. Je ne sais pas parler du Seigneur avec ma raison, seulement avec mon cœur. Mes « maîtres à penser » sont les plus pauvres, ceux que je rencontre notamment à Pierre d’Angle, sur les camps roms, ou à Calais, mais aussi les mystiques et les poètes… Certaines paroles brûlantes de Saint-Augustin me touchent beaucoup.

L’appel vers la famille de l’Assomption est un mystère, un heureux mystère que j’aime explorer via les rencontres que j’y fais bien plus que par les enseignements qu’on pourrait me donner sur son charisme.

Quand je pense à sa dimension « doctrinale », il me vient que l’élaboration de la foi a été faite, pendant des siècles, essentiellement par des hommes. Le regard sur les Écritures a été avant tout un regard masculin. Et bien je m’intéresse beaucoup aux travaux récents faits par des femmes. Quand on m’a demandé ce que je désirais pour Noël, je n’ai pas hésité : le livre d’Anne-Marie Pelletier sur « l’Église et le féminin (Revisiter l’histoire pour servir l’Évangile) ».

Oui, un vent de liberté souffle sur notre Église. Elle est actuellement en proie à des souffrances profondes que je vis aussi dans ma chair. Mais c’est pour mieux renaître. J’en suis sûre.

On m’a demandé récemment d’accompagner un groupe de la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne). Il y a, parmi les jeunes de ce groupe, différentes confessions, et les échanges sont d’une richesse incomparable. Le dialogue interreligieux, autre charisme de l’Assomption, porte en lui une espérance follement joyeuse. Avec ces jeunes, c’est la paix que nous construisons à la JOC. Dans le pays des mines où je vis, il y a une longue histoire de dialogue entre l’Église et les milieux populaires. Je ne sais pas s’il y a eu des prêtres ouvriers parmi les assomptionnistes, mais je crois savoir que certains ont accompagné la JOC et j’espère pouvoir les rencontrer un jour.

Je n’aurai sans doute pas assez de toute une vie pour découvrir les richesses de la famille dans laquelle je suis entrée. Je n’ai pas idéalisé cette famille avant que d’y entrer. J’ai vu parfois ses limites qui sont aussi celles de l’Église plus généralement. Mais j’ai fait ce pari – amoureux – que je découvrirais plus de richesses et de créativité évangéliques que de limites en y entrant et en m’y engageant.

La présence des laïcs au sein de cette famille religieuse, la présence de frères et sœurs d’autres cultures, et le souci de la solidarité à l’égard des plus fragiles – qui ne peut être vrai que s’il est accompagné du souci de la justice – porté par le Bateau ou l’EHPAD Notre-Dame des Vignes, sont des promesses de bonheur et d’avenir pour l’Église toute entière. À la communauté du 109 de Lille où je me rends une fois par semaine, et à la délégation Justice et Paix pour l’Humain et la Terre, je trouve des points d’ancrage et une fraternité qui soutiennent ma foi et mes actions dans la vie de tous les jours.

Le père d’Alzon est devenu pour moi un compagnon de route au quotidien. Je vous partage l’une de ses pensées qui m’a beaucoup touchée : « Vous avez besoin d’amour, précipitez-vous dans le cœur de Dieu. Il y a dans ce cœur des profondeurs infinies d’amour ». Quand je lis un conte  aux enfants roms, l’histoire se termine souvent bien, comme dans les contes. Mais quelle joie de croire que Noël n’est pas un conte, que l’Amour s’est vraiment fait petit Enfant et qu’Il a gagné contre toutes les forces de mort au matin de Pâques ! Quelle joie de croire qu’il y a une espérance pour ces enfants comme pour chacun de nous ici-bas. Que le Seigneur irradie sa Joie et son Amour dans nos cœurs en ces jours qui nous mènent vers Noël.

Anne-Sophie Degraeve, Laïque de l’Assomption

UNE PAROLE POUR AUJOURD’HUI
« Sois sans crainte, Marie,
car tu as trouvé grâce auprès de Dieu.
   Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ;
tu lui donneras le nom de Jésus.
   Il sera grand,
il sera appelé Fils du Très-Haut ;
le Seigneur Dieu
lui donnera le trône de David son père ;
   il régnera pour toujours sur la maison de Jacob,
et son règne n’aura pas de fin. »
(Lc 1, 30-33)

UNE PRIÈRE POUR AUJOURD’HUI
Je vous salue Marie, pleine de grâce ;
Le Seigneur est avec vous.
Vous êtes bénie entre toutes les femmes
Et Jésus, le fruit de vos entrailles, est béni.
Sainte Marie, Mère de Dieu,
Priez pour nous pauvres pécheurs,
Maintenant et à l’heure de notre mort.
Amen