Parcours de Carême #5

Le premier chapitre du premier livre de Samuel nous présente une famille juive assez ordinaire mais particulière. Elqana est un homme de Ramatayim-Çophim, un Ephratéen (1 S 1,1). Il est marié à deux femmes : Anne et Peninna.

Anne et Elqana : une gratitude féconde

Un acte qui interroge

Anne, épouse stérile d’Elqana, subissant le mépris de sa rivale Peninna (qui a des filles et des fils) demande, au cours d’un pèlerinage au temple de Silo un fils à Dieu. Sa demande est accompagnée de la promesse de consacrer l’enfant à Dieu (1 S 1, 11). Quand l’enfant naît, le petit Samuel, à peine sevré, est consacré au Seigneur par ses parents et il restera à Silo toute sa vie. Samuel, l’enfant tant désiré par Anne sa mère, sans lequel elle était méprisée par sa coépouse Peninna et sans lequel elle ne pouvait pas s’estimer « femme heureuse », puisque stérile, est aussitôt consacré à Dieu, retourné à son donateur. Voilà qui est donc paradoxal : pourquoi demander un fils s’il doit être aussitôt redonné à son donateur, et ce, dans un don total et sans réserve ?

Donner, c’est s’ouvrir à une fécondité plus grande

Ce geste que posent Anne et Elqana est pour nous une belle leçon de vie chrétienne. En consacrant son fils au temple, Anne fait participer un plus grand nombre à la joie de sa fécondité et par là-même, elle entre dans une dynamique plus universelle de partage. Son geste est un don qui « s’ouvre à l’imprévu, un geste qui par-delà le donataire, ouvre à d’autres pour partager avec eux et créer du lien social, un geste où l’intérêt particulier s’inscrit dans l’intérêt général[1]. »
Du contre-don de Anne, surgit une vie en abondance. Anne a su élargir son cœur aux dimensions de toute sa communauté et en le faisant, elle a ouvert la porte à la plénitude de la vie. Répondre à la générosité de Dieu, c’est s’ouvrir à la réciprocité dans laquelle Dieu nous engage, c’est accepter de nous inscrire dans cette gratuité de Dieu qui nécessite notre gratitude et nous introduit dans un échange fécond. Comme le dit Maurice Bellet, « donner ce que nous avons de plus cher, offrir sa vie à l’auteur de la vie, c’est finalement recevoir infiniment et se recevoir comme puissance de vie et de liberté ».[2]
Qu’avons-nous reçus qui ne soit pas de Dieu ? En offrant ce que nous avons et ce que nous sommes, la gratuité de Dieu peut continuer à se donner et à se diffuser autour de nous.

Fr. Jean-Valère Kouwama, Adveniat (Paris) 

Donner ce que nous avons de plus cher, offrir sa vie à l’auteur de la vie, c’est finalement recevoir infiniment et se recevoir comme puissance de vie et de liberté.

[2]

[1] Alfred Marx, « Le don fondateur de lien social : le cas d’Israël à l’époque perse » in Transversalités, n°126, 2013/2, p. 22.
[2] Maurice Bellet, « Sur un malheur possible du don total », in Etudes, Janvier 1980, p. 91

Objectif-vie pour  la semaine

Choisir de donner sa vie pour qu’elle porte des fruits en abondance.
Dans l’Evangile de ce 5e dimanche de carême, nous entendons Jésus nous dire : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. ».
Tout comme la mort de Jésus est nécessaire pour le salut de l’humanité, il nous faut nous aussi offrir notre vie pour nos frères. Qu’ai-je donc besoin de faire mourir en moi ? Que faut-il que je perde pour gagner la vie en Dieu ?